Cynique, amoral et sans aucun scrupule, l'Agent 47 est le type même du bad guy comme pourraient le dire nos amis anglais. En français dans le texte, disons que c'est l'archétype du gros méchant que les jeux vidéo nous proposent généralement de zigouiller afin de boucler l'aventure... Sauf que dans Hitman, l'Agent 47 est le « héros ». Enfin, pour être plus exact, disons qu'il s'agit du personnage que nous contrôlons tout au long d'un scénario où le meurtre par strangulation n'est pas loin de représenter la mort la plus douce possible. Après deux ans d'absence, l'Agent 47 est donc de retour alors un conseil, éloignez les enfants de l'écran, ça risque de faire du grabuge.
La mort lui va si bien...
Costume impeccable, cravate rouge sang et crâne mieux rasé que jamais, l'Agent 47 ne semble pas devoir ressentir les effets du temps. Pour sa quatrième aventure, le tueur à gages le plus célèbre du jeu vidéo n'a pas changé d'un millipoil et se retrouve une fois encore chargé des plus basses besognes par l'ICA, son agence. Trafiquants, politiciens crapuleux ou pédophiles amateurs de grande musique figurent ainsi au menu de cette nouvelle aventure sous-titrée Blood Money. Si le titre insiste sur l'argent c'est qu'en dehors du concept strictement identique aux précédents opus, Io Interactive a décidé d'ajouter un petit aspect gestion financière. N'ayez crainte, il n'est pas question d'investir les revenus de notre Hitman dans quelque société que ce soit, mais simplement d'utiliser ses gains pour améliorer un peu son équipement, s'offrir un silencieux, obtenir des babioles supplémentaires ou bien encore acheter différents témoins et policiers.
Tour à tour réparateur, canard géant et ouvrier : le Hitman peut se plier à n'importe quelle situation... un vrai caméléon
Dans Blood Money, il faut effectivement faire particulièrement attention à la manière d'éliminer ses cibles. Plus notre Hitman se fera remarquer et plus il risque de faire grimper ce que les développeurs ont appelé la notoriété. Il faut par exemple éviter les caméras de surveillance (ou trouver un moyen de récupérer les bandes enregistrées) ou bien encore de massacrer un gars en public. En théorie, cette notoriété doit rendre les choses de plus en plus délicates pour le Hitman, mais en réalité, cela n'ajoute pas grand-chose à l'aventure. Io Interactive ne voulait sans doute pas rendre les choses trop difficiles et il suffit donc, en fin de mission, de dépenser quelques dollars pour faire baisser cette notoriété : le coût est en définitive très faible par rapport aux sommes engrangées à l'accomplissement d'un contrat. Laissons donc de côté cette innovation qui n'en est pas vraiment une pour revenir aux fondements de la série, à ce qui en a fait le charme depuis déjà presque six ans.
Au travers d'une petite séquence cinématique, le Hitman est contacté par son agence qui lui donne une nouvelle mission. Plutôt jolie, celle-ci n'entre pas vraiment dans les détails et c'est ensuite qu'un écran nous propose de retrouver la ou les cibles à abattre ainsi que le lieu de cette opération. Dans certains cas, il est possible que des objectifs supplémentaires nous soient donnés comme la protection ou l'évacuation d'un individu. On peut alors choisir son équipement parmi un arsenal tout à fait impressionnant allant de l'indémodable corde à piano jusqu'au très imposant fusil d'assaut en passant par le silverballer, le magnum, le fusil à pompe ou le fusil de sniper. Quelques bonus sont également de la partie comme la seringue de sédatif, la mine et son détonateur ou bien encore la seringue de vie. Dans tous les cas, il est conseillé de voyager léger... le but de chaque mission étant de finir le plus discrètement possible, une grosse pétoire ne serait pas d'un grand secours !
Arrivé sur les lieux de son futur crime, le Hitman ne peut plus compter que sur son sens de l'observation, son imagination et une petite carte plus ou moins détaillée selon le niveau de difficulté choisi. Du débutant au pro, quatre choix sont ainsi possibles et, si dans le premier de nombreuses aides permettent d'identifier les lieux importants, les cibles et d'avoir quelques informations en plus, le niveau le plus dur vous laissera pour ainsi dire « tout nu ». Il faut ensuite réfléchir aux planques possibles, aux chemins pour accéder à la cible et aux moyens de contourner les gardes / agents de police / employés de la sécurité / vigiles (rayez les mentions inutiles). Tout cela ne se fait pas forcément dès le premier essai et selon la difficulté de la mission (cela va bien sûr crescendo), il faut parfois recommencer un paquet de fois afin de voir précisément comment agir... S'il est préférable d'accomplir son forfait sans le moindre bruit, Hitman nous laisse cependant libres.
Même lorsqu'il y a foule, il vaut souvent mieux faire preuve de patience que de foncer bêtement dans le tas !
Hitman Blood Money, et l'Agent (47) ne fait pas le bonheur
Contrairement à de nombreux autres jeux d'action, il est ainsi très amusant de refaire la même mission encore et encore. En fin de scénario, un écran de statistiques permet d'évaluer notre prestation. On peut ensuite décider de poursuivre ou de refaire la mission sachant de toute façon qu'il sera possible de la refaire plus tard également. Les plus curieux d'entre nous auront alors à coeur de parvenir aux deux extrêmes : le tueur parfaitement silencieux ou, au contraire, l'horrible boucher. Rien de très original donc pour les habitués de la série qui retrouveront cependant avec plaisir leur nettoyeur préféré. Notons toutefois quelques nouveautés bien sympathiques comme la possibilité de neutraliser une personne sans forcément la tuer : on peut ainsi assommer un témoin ou désarmer un adversaire sans pour autant vider son chargeur. On notera également l'utilisation de différents conteneurs dans lesquels il est enfin possible de planquer les corps.
Les développeurs de chez Io Interactive ont en outre donné au Hitman quelques mouvements supplémentaires. Cela permet de rompre avec l'impression d'un jeu un peu figé en permettant à notre héros de marcher sur une étroite corniche, de sauter d'un balcon à un autre ou bien encore de passer par les fenêtres. Ces nouveaux mouvements sont bien sûr là pour donner encore plus de latitude aux joueurs, mais ne nous sont jamais imposés par les créateurs. Ces derniers ont d'ailleurs fait un travail remarquable dans la conception des niveaux. Ils sont encore plus réussis que dans les épisodes précédents et en plus d'être originaux, ils offrent d'innombrables possibilités d'action. Sans changer le concept de la série, Hitman : Blood Money améliore encore un système qui a déjà fait ses preuves. Le joueur se sent plus libre que jamais et les missions sont parmi les plus réussies. Hélas, ces progrès font également ressortir les lacunes de cet opus.
Ainsi, l'intelligence artificielle ne semble pas avoir été vraiment améliorée par les développeurs et ses déficiences paraissent encore plus visibles qu'avant. Ici, c'est un garde qui ne nous remarque pas alors qu'il passe à moins de 30 centimètres. Là, c'est un agent de la sécurité qui nous laisse crocheter une serrure sans rien dire. On regrettera également que le concept même du jeu pousse les développeurs à employer d'innombrables scripts se répétant sans cesse. Dans la mission de l'opéra, on verra par exemple la répétition durer autant de temps qu'il en faudra au joueur pour accomplir sa tâche alors qu'au casino, on ne pourra s'empêcher de sourire face à ce personnage qui va aux toilettes toutes les trente secondes ! Si les décors sont dans l'ensemble très réussis, on pourra également émettre quelques critiques quant à la modélisation des personnages, un peu taillés à la serpe. Enfin, quelques bugs de collisions pas bien gênants peuvent aussi être signalés.
Les missions sont intéressantes, la mise en scène plutôt réussie et l'épilogue vraiment sympathique : du tout bon en somme
Techniquement parlant, Hitman : Blood Money reste le plus abouti de la série, mais les progrès sont légers. Io Interactive s'est clairement axé sur la conception des cartes pour nous offrir des missions plus intéressantes que dans le troisième volet et, de ce point de vue là, il n'y a rien à redire. Sur PC, l'ensemble reste malgré tout très joli et aucun problème de fluidité n'est à signaler pourvu que vous soyez équipés d'un Pentium 2.4 GHz (ou équivalent), de 512 Mo de mémoire et d'une carte graphique 128 Mo. On ne peut s'empêcher d'être un petit peu déçu par la conversion Xbox 360, un peu moins jolie, mais encore très acceptable alors que, compte tenu des limitations techniques de l'ancienne génération, le jeu est très réussi sur Playstation 2 et Xbox. Les versions consoles souffrent d'une maniabilité assez souvent approximative et notre assassin a tendance à monter sur une caisse au lieu de se cacher derrière ou bien il essaye de cirer les pompes de la personne à éliminer plutôt que de l'étrangler. Quelle que soit votre plateforme, l'ambiance sonore est toujours une petite merveille avec des voix bien choisies, des musiques de qualités (stressantes à souhait) et des bruitages fort à propos.
Conclusion
Au contraire de ce qui avait été annoncé durant le développement du jeu, ce quatrième épisode de la série n'apporte finalement pas grand-chose au concept du Hitman. La gestion de la notoriété n'a pas une très grande importance, pas plus que la gestion de son argent et les améliorations au niveau de l'arsenal sont presque inutiles pour le joueur qui tente d'être le plus discret possible. On regrettera également qu'aucun progrès substantiel n'ait été réalisé au niveau de l'intelligence artificielle et que certains bugs techniques (collisions) soient encore de la partie. Malgré ces quelques défauts, on enfile une nouvelle fois avec beaucoup de plaisir le costume noir impeccable de l'Agent 47.
La conception des niveaux est absolument remarquable, et ce, du début à la fin de l'aventure. Les onze missions proposent toutes des défis très différents et les cartes sont généralement de très grande taille, très ouvertes. Elles donneront du fil à retordre aux plus habiles d'entre nous alors que le système de quatre niveaux de difficultés avec sauvegardes plus ou moins limitées permet de rendre le jeu accessible à la plupart des joueurs. Cynique et amoral, le Hitman est un vrai méchant comme le jeu vidéo ne nous donne pas souvent l'occasion d'incarner alors, même si le jeu ressemble davantage à une sorte d'extension du précédent, on reprend du service avec plaisir en attendant un cinquième opus aussi novateur que l'excellent épilogue de celui-ci.