Interview en 2003 de Tôru Fujisawa
Cette interview est parue au Japon dans le Shonen Magazine, et a été traduite en français par Pika Edition et publiée dans le Shonen n°1 de 2003.

A l'occasion de la fin de GTO, le best-seller sans précédent, nous avons osé une interview à bâtons rompus de son auteur, Tôru Fujisawa ! Il nous a parlé sans retenue de ses secrets de création et de ses projets futurs.

Vous venez de dessiner le dernier chapitre de GTO, peut-on vous demander comment vous vous sentez ?

Fujisawa : En réalité, je ne sais pas très bien encore. GTO a commencé il y a cinq ans, mais cela fait onze ans que je dessine les aventures d'Onizuka. Pour moi, c'est un peu un vieux pote. Quand j'ai commencé à réfléchir à ce que j'allais faire après Shonan Junai Gumi, j'ai élaboré pas mal de projets, mais c'est tout naturellement que je suis revenu vers Onizuka. C'est comme ça que j'ai décidé de refaire une série avec lui. Mais ça n'a pas été aussi simple pour autant ; j'ai hésité entre ne reprendre que lui comme personnage principal ou reprendre le duo qu'il formait avec Ryûji. Ca me laissait encore pas mal de possibilités. J'étais dans l'impasse quand j'ai fait l'association : Onizuka/Enseignant. Sur bien des points, il n'y a rien de plus opposé qu'un Yankee et un prof ! D'un côté, on a un type que les profs emmerdent et de l'autre, un type que ses élèves emmerdent. Je me suis dit qu'il y avait un moyen d'en faire quelque chose et c'est comme ça que GTO a commencé.

Pourquoi avoir fait un manga qui se passe dans un collège, alors qu'il y en a beaucoup qui se passent dans des lycées ?

Fujisawa : Le collège est "une zone de passage" pour plusieurs raisons. C'est une période critique dans sa relation avec les autres et c'en est une aussi entre l'enfance et l'âge adulte. Je pense que c'est la période la plus difficile à vivre. Et puis, du point de vue de l'histoire, avec des lycéens, vous n'avez pratiquement pas de restrictions quant aux problèmes familiaux ou amoureux, vous pouvez même leur faire faire de la moto. Je me suis dit qu'il serait intéressant d'essayer de réussir une histoire se passant dans un collège en restant dans les limites de ce qui peut être dessiné. En fait, j'ai fait des essais en plaçant l'histoire dans un lycée, mais même en intégrant Onizuka au milieu d'une bande de voyous, le déclic ne s'est pas fait. Alors j'ai changé d'avis et je l'ai confronté à des collégiens bien d'aujourd'hui et là, ça collait parfaitement. Je leur ai donné l'air de gentils collégiens. Je tenais à ce que ce soit réaliste et j'ai passé mes journées à dessiner et à me documenter en lisant des bouquins et des journaux, et en regardant les infos.

Avez-vous un personnage préféré dans la série ?

Fujisawa : Uchiyamada, bien sûr ! Il a 52 ans, c'est un enfant du baby boom. Je voulais écrire une histoire qui s'adresse aussi à cette génération. Cette dernière est à l'opposé des collégiens et c'est aussi celle qui a fourni le plus d'efforts. A chaque fois que je lui faisais pisser le sang, je le plaignais moi-même (rires).
Je blague, mais l'une de mes intentions quand j'ai commencé GTO était de dessiner les enseignants comme des êtres humains. Quand on est au collège, on déteste les profs, pas vrai ? Ce sont nos pires ennemis. Mais quand on devient adulte, on comprend pourquoi certains d'entre eux se recyclent pour devenir employés de bureau. Personne ne veut faire un travail ingrat. C'est pour ça que j'ai voulu qu'on ressente que les enseignants comme les élèves sont, avant tout, des êtres humains. Les personnages comme Uchiyamada sont tenus par les règles de la tradition japonaise alors que les élèves sont sensibles aux valeurs d'aujourd'hui, et pour tout vous dire, en plaçant Onizuka et Fuyutsuki entre les adultes et les enfants, je voulais qu'ils soient détestés des uns et des autres, mais ...

Aviez-vous d'autres histoires à dessiner ?

Fujisawa : Un paquet ! Je n'ai dessiné que 50% de ce que j'aurais voulu faire.

Et bien ce sera pour la prochaine fois ...

Fujisawa : Exactement (rires) ! Un jour je ferai GTO ! Et on retrouvera Onizuka !

Vous nous parliez des adultes, comment ont-ils réagi face à GTO ? Les associations de parents d'élèves par exemple ?

Fujisawa : Une fois, un ami m'a demandé de faire une conférence sur la pédagogie devant des parents d'élèves et des enseignants. Mais j'ai refusé poliment (rires). Je ne suis pas un spécialiste et je ne me voyais pas faire une conférence à des gens dont c'est le métier. Chaque profession s'exerce d'une certaine manière et ce n'est pas à un novice de les critiquer. J'espère que mon manga les aura fait réagir.

Si vous étiez collégien, aimeriez-vous avoir un professeur comme Onizuka ?

Fujisawa : Oui ! Même s'il ne fait pas de cours, il s'intéresse à ses élèves, discute beaucoup et fait pas mal de digressions. S'il existait vraiment, je crois que j'aimerais l'avoir comme enseignant. Maintenant, j'ai du mal à dire s'il est, oui ou non, un bon enseignant. Quand j'étais en cinquième, mon prof principal était très bien. On l'adorait et on adorait ses cours, on avait tous de bonnes notes dans sa matière. C'est pour ça que je pense qu'il est important d'avoir des enseignants qu'on puisse apprécier sur le plan humain. C'est en partant de ça que j'ai défini l'attitude d'enseignant d'Onizuka.

GTO a été une réussite en tant que feuilleton, dessin animé, au cinéma et sur le plan social. Vous a-t-il aussi apporté quelque chose ?

Fujisawa : J'ai pu serrer la main de Rena Tanaka (rires).
Et j'ai discuté avec Sarina Suzuki et Yukie Nakama (rires).

Dites-nous franchement, en quoi consiste votre prochain projet ?

Fujisawa : Ma prochaine histoire ?
Je voudrais créer un héros qui ressemble à Uchiyamada. Et puis, j'aimerais bien faire une histoire fantastique.

Nous attendons ça avec impatience ! Pour finir, pourriez-vous dire un mot à nos lecteurs ?

Fujisawa : Je vous remercie beaucoup de m'avoir soutenu jusqu'à aujourd'hui. GTO est fini pour le moment, mais un jour, ces personnages reviendront dans une autre histoire ; alors ne les oubliez surtout pas.
Et pour finir, je voudrais remercier du fond du coeur tous ceux qui m'ont permis de dessiner cette histoire.


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